Plaintes pour violences sexuelles : les policiers strasbourgeois mieux formés
Publié : 8 février 2023 à 8h46 - Modifié : 8 février 2023 à 8h50 par Sébastien RUFFET
Des petits groupes pour mieux échanger
Crédit : @DDSP67 - Service Communication
Depuis 2017 et l'affaire Weinstein, on assiste à une libération de la parole et les femmes osent davantage porter plainte contre leurs agresseurs. Au commissariat de Strasbourg, les agents sont formés pour améliorer l'accueil des victimes.
Le 3919 est le numéro d'appel gratuit pour les femmes victimes de violences. Ce numéro de téléphone est accessible 24h/24.
700. 700 plaintes pour violences sexuelles ont été déposées en 2022 au commissariat de Strasbourg, dont dépendent aussi Haguenau et Sélestat. C'est deux plaintes par jour, sachant qu'on estime que "seules 10 à 15% des victimes font une démarche judiciaire", selon le capitaine Laurent Marcel, un ancien de la brigade des moeurs et des mineurs, qui s'occupe aujourd'hui du centre départemental des stages et de la formation à la police nationale 67. "C'est très difficile de venir raconter son histoire intime à un policier."
Avec une hausse de 40% de ces affaires, liées à la libération de la parole, il est vite devenu indispensable d'améliorer l'accueil des victimes. Alors depuis octobre dernier, Laurent Marcel dispense à ses collègues des formations devenues obligatoires. "Ces formations s'adressent à tous les personnels de police. Je ne viens pas pour leur faire la moral, mais pour évoquer les humeurs de la victime, ce qu'ils peuvent rencontrer. On a des policiers spécialisés, mais d'autres, les policiers du quotidien, qui connaissent moins la thématique. On va leur présenter le volet psychologique de la victime pour appréhender les situtations auxquelles ils peuvent être confrontés, et les bonnes conduites, comme s'isoler pour parler de choses sensibles. On va entrer dans l'intimité des gens. Il faut répondre aux questions qu'ils se posent dans le cadre de début de procédure et d'un dépôt de plainte."
Ne pas juger et être à l'écoute
Dans des dossiers où c'est souvent une parole contre une autre, "il faut faire preuve d'une écoute active. L'empathie, c'est quelque chose qui est apprécié. Montrer une attention toute particulière, en employant un ton rassurant, des mots simples. Eviter tout jugement, parce que la plus grosse crainte des victimes, c'est de ne pas être cru."
Selon les situations, il peut être recommandé de demander à une femme de prendre la plainte - même si les victimes le demandent rarement - mais surtout de réussir à s'isoler, de prendre du temps. "On est sur de l'humain, pas sur un vol de bagnole", poursuit le capitaine Laurent Marcel. "Il n'y a pas de recette miracle, mais pouvoir prendre du temps, c'est un plus, même si dans notre quotidien on n'a pas suffisamment de moyens pour ça..."
Lors de cette formation, déjà dispensée à plus de 200 policiers strasbourgeois, on apprend aussi à déceler le vrai du faux. A poser les bonnes questions. On comprend aussi que sous l'effet du choc émotionnel et physique, la version des faits peut varier dans le temps. "On m'a déjà raconté un viol comme des vacances au ski... D'autres étaient en larmes... Il faut alors traquer les petits indices, les petits détails qui pourront confondre l'agresseur, comme un accent, une odeur, un grain de beauté... Tout ce qui pourra aider le policier à mener son enquête parce que la grande difficulté, c'est de trouver des preuves, des témoignages." Rien de plus insupportable pour les policiers que de ne pas avoir de matière, comme l'histoire de cet infirmier que tout accuse, mais qui leur échappe encore, faute de preuve.
Discuter en ligne avec un policier
Laurent Marcel rappelle aussi l'intérêt de trouver un lieu approprié, un ton. "On peut proposer à la victime d'être reçue par une femme, mais on a aussi des outils à disposition pour discuter via des chats avec des policiers, sans le face-à-face direct. Cette plateforme (PNAV) peut ensuite solliciter les policiers locaux pour établir un contact avec la plaignante par un enquêteur spécialisé."
Enfin, seuls 10 à 15% des dossiers s'avèrent être des accusations mensongères, souvent pour se protéger d'une famille un peu trop rigoriste après une aventure ou un flirt. On notera pour finir que 20% des plaintes sont déposées par des hommes, qui peuvent aussi être victimes d'agressions sexuelles.