Une Alsacienne aux commentaires du Mondial de foot féminin
20 juillet 2023 à 6h00 - Modifié : 20 juillet 2023 à 14h34 par Jules Scheuer
Lucile Guillotin, rédactrice en chef adjointe de France 3 Alsace, a été choisie par la direction de France TV pour commenter les matchs de la Coupe du monde féminine qui démarre ce jeudi 20 juillet. Nous avons pu échanger avec elle sur son rôle de commentatrice durant cette compétition, son lien avec l’Alsace et sa vision du football féminin.
Lucile Guillotin est rédactrice en chef adjointe de France 3 Alsace et ancienne commentatrice du Racing Club de Strasbourg pour France Bleu Alsace. Voici la retranscription de notre échange avec celle qui sera la voix de France Télévisions pour la Coupe du monde de football féminine qui se déroule en Nouvelle-Zélande du 20 juillet au 20 août.
- Comment a débuté votre histoire d’amour avec le foot ?
Elle a débuté très jeune, à 6 ou 7 ans. On a déménagé avec mes parents de la région parisienne dans le Calvados et j’ai commencé à jouer au ballon dans la cour. Puis très vite, j’ai voulu jouer « pour de vrai » et j’ai demandé à mes parents de m’inscrire dans un club. J’y ai joué avec des filles, des garçons et j’ai fais mon premier match près de Caen, à l’âge de 7 ou 8 ans. J’ai toujours aimé le foot. C’est une grande passion.
- Vous avez également des souvenirs marquants de votre enfance avec l’Equipe de France ?
Oui, quand j’avais 8 ans, je me souviens très bien de la Coupe du monde 1986. On avait encore la télé en noir et blanc ! Je regardais la compétition et j’étais totalement fan. Je demandais à chaque Coupe du monde d’avoir mon petit album Panini. J’allais au tabac avec ma pièce chercher mes vignettes.
"Le sport rythme ma vie depuis que je suis née"
- Au-delà du football, vous avez toujours été une grande fan de sport.
Oui, c’est dans mon ADN. C’est le sport qui rythme ma vie depuis que je suis née. Dans ma vie personnelle, j’aime beaucoup faire du tennis, du padel, de la course à pied, du ski… Je fais un peu de tout. J’ai même été gardienne de hand ! Devant ma télé aussi, dès qu’il y a du sport, je regarde tout. Mine de rien ça me prend beaucoup de temps mais c’est une grande passion.
- À quel moment avez-vous fait le choix de devenir journaliste ?
Je n’ai pas fait de choix, j’ai toujours voulu être journaliste, je voulais commenter des matchs depuis toute petite mais sans vraiment y croire. Je suis très heureuse parce que c’est un métier que j’adore profondément. Il y a pleins de facettes dans ce métier et j’en apprends toujours plus, comme avec cette Coupe du monde qui va être une nouveauté pour moi.
- Pendant dix ans, vous avez commenté les matchs du Racing sur France Bleu Alsace. Après autant de temps à suivre les bleus et blancs on en devient forcément fan, non ?
Oui forcément. En plus j’étais chez France Bleu Alsace, on ne nous demandait pas d’être impartial. Donc forcément, on est à fond derrière Strasbourg. C’est un club extraordinaire, on se prend vite de passion pour lui. Je serai jusqu’à ma mort une fan du Racing. J’ai vécu des émotions incroyables avec ce club, jusqu’à en avoir les larmes aux yeux. C’est quelque chose à vivre. Cette période de ma vie est un souvenir gigantesque.
"C’est un peu Noël avant l’heure pour moi"
- Cette année, vous avez été choisie par France Télévisions pour commenter les matchs de la Coupe du monde. Comment vous avez appris la nouvelle ?
On est venus me voir en me disant qu’on connaissait mon passé de commentatrice et qu’on aimerait que ça soit moi qui fasse les commentaires pour le Mondial. On ne m’avait pas encore précisé quels matchs et très vite ils m’ont dit qu’ils aimeraient aussi que je fasse les matchs des Bleues. Je ne sais pas si vous avez déjà vu le film d’Amélie Poulain où elle se liquéfie, mais j’étais un peu dans cet état. J’étais folle de joie. C’est un peu Noël avant l’heure pour moi. J’ai un peu d’appréhension forcément, mais j’espère donner le meilleur de moi-même et transmettre ma passion du foot aux téléspectateurs.
"Le plus beau match de cette première quinzaine se disputera à 3h du matin chez nous"
- Cette coupe du monde a eu du mal a trouver un diffuseur en France (accord fixé tardivement avec France Télévisions et M6). Comment cela s’explique ?
On l’explique parce que la FIFA a fixé un prix jugé trop élevé par les diffuseurs français. Déjà, par rapport au décalage horaire : les matchs seront joués entre 3h et midi en France. Le match de poule entre les États-Unis et les Pays-Bas, l’affiche de la dernière finale de la Coupe du monde 2019 et le plus beau match de cette première quinzaine, se disputera à 3h du matin chez nous. Évidement dans ces cas-là, quand vous voulez avoir des recettes publicitaires, les annonceurs ne vont pas se bousculer au portillon. On [France Télévisions NDLR] est parvenu à un accord avec le groupe M6, on va se séparer les 64 matchs et je pense que c’est une bonne chose. Heureusement que le football féminin a un peu de visibilité parce que ça aurait été dommage que cette Coupe du monde ne soit pas diffusée en France.
- Justement à propos du foot féminin en France, selon vous il est encore en retard par rapport à d’autres pays européens ? Il nous manque encore cette culture foot ?
On l’avait cette culture féminine, grâce à un grand monsieur qui s’appelle Jean-Michel Aulas, ou même Louis Nicolin avant lui, deux présidents majeurs dans le développement du foot féminin en France. On était en avance sur beaucoup de nations il y a encore cinq, six ans et là notre avance a fondu, on est même en retard. Pourquoi ? Parce que les joueuses en France ne sont toujours pas professionnelles, elles n’ont pas de contrat pro. Du coup c’est compliqué parce que l’argent c’est le nerf de la guerre. Les Espagnoles, les Italiennes, les Anglaises sont elles professionnelles. En Angleterre, on voit aussi l’investissement des médias qui est phénoménal, avec la BBC notamment. Et on a pas ça en France. Dans les structures aussi on a du retard. En Angleterre, les filles jouent sur des billards tous les week-ends. Ici ce n’est pas le cas, les terrains sont endommagés, la plupart du temps pas bien entretenus. En tout cas, ils ne sont pas dignes de matchs de première division. C’est inquiétant ce retard et malheureusement il y a une complémentarité entre le niveau de championnat dans un pays et le niveau de la sélection nationale. Heureusement, beaucoup de joueuses de l’équipe de France évoluent à l’étranger, ce qui leur permet de garder un niveau très important, mais malgré tout c’est dommage pour le championnat français.
"Cette équipe de France, avec son nouveau sélectionneur, elle amène avec elle un nouveau souffle"
- Vous pensez que cette Coupe du monde peut rebattre les cartes, notamment en cas d’un beau parcours de nos Bleues ?
J’espère ! Effectivement, vu l’horaire des matchs, il y aura moins de monde devant la télé mais cette équipe de France, avec son nouveau sélectionneur, elle amène avec elle un nouveau souffle. Il se passe quelque chose. J’espère que ça se traduira sur le terrain et que ça permettra le développement du foot en France. On sait déjà qu’en juillet 2024 se créera la première ligue professionnelle de football féminin en France. D’ici là, une finale des Bleues par exemple, ce serait forcément un coup de boost pour les clubs. À quel niveau, ça c’est encore difficilement quantifiable.
- Il y a d’ailleurs une ancienne joueuse française qui va vous accompagner aux commentaires…
Oui Louisa Necib. Pour ceux qui ont 20 ans, elle a fait essentiellement sa carrière à l’OL. Louisa Necib c’est neuf titres de championne de France et trois titres de Ligues des champions. Ça a été pour moi la plus grande joueuse de l’équipe de France de ces 20 dernières années au milieu de terrain. C’était une joueuse de haut vol, avec une lecture du jeu et un sens du but extraordinaire. Elle va pouvoir m’apporter une expertise. Au-delà de celle du jeu de haut niveau, elle a déjà joué en équipe de France, elle a déjà disputé des Coupe du monde. Elle sait comment on gère un groupe dans ce genre de compétitions, comment on gère une difficulté…
"Je reste persuadée que quand on a la passion, qu’on soit un homme ou une femme, c’est pareil"
- Un duo 100% féminin aux commentaires d’une compétition de football internationale à la TV, c’est une belle avancée dans un milieu qui a été très longtemps réservé aux hommes non ?
C’est vrai, c’est un pari que fait France Télévisions de nous mettre à l’antenne sur les match notamment des Bleues. C’est aussi un beau signal envoyé aussi à toutes celles qui veulent faire ce métier. Moi j’ai eu la chance que France Bleu me permette de vivre ma passion en 2006, de me lancer dans le grand bain. Ils n’avaient pas hésité à mettre une fille au micro, là c’est pareil. En fait, j’aimerai bien qu’un jour on arrête de poser la question, qu’on trouve ça normal et qu’on ne regarde pas que ce soit une femme ou un homme aux commentaires. Ça reste dans l’air du temps parce que ce n’est pas encore totalement admis dans l’esprit des gens, pas encore totalement digéré. Mais moi, je fais abstraction de tout ça, je reste persuadée que quand on a la passion, qu’on soit un homme ou une femme c’est pareil.
- Quelles sont selon vous les prétendantes à une victoire finale ?
Les américaines restent quand même pour moi au dessus du lot. Quand on les voit jouer, on a envie que le match dure plus de 90 minutes. Individuellement, collectivement, ça respire le foot, c’est beau à voir. Il y a aussi quelques bonnes équipes européennes. L’Angleterre pourrait aussi tirer son épingle du jeu, on en parle pas beaucoup mais moi je crois beaucoup en elles, les Pays-bas aussi. Et puis le Japon, qui a déjà gagné une Coupe du monde, restera également difficile à battre. Mais allez les Bleues surtout ! J’espère au moins qu’elles vont finir dans le dernier carré, ça serait super, mais ça sera difficile quand même au vu du tirage au sort. Mais sur une compétition, tout est possible donc on va croiser les doigts.
Lucile Guillotin sera aux commentaires ce jeudi 20 juillet dès 9h sur France 2 pour le match d’ouverture de cette Coupe du monde entre la Nouvelle-Zélande et la Norvège.
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