Innovation à Illkirch : des arbres lumineux

Publié : 3 septembre 2020 à 18h03 - Modifié : 10 mai 2021 à 11h03 par Anne-Sophie Martin

L'équipe de Woodlight : / @Woodlight

 


Avec nous la biologiste Rosemary Auclair directrice de la Start-up Woodlight. Expliquez moi votre innovation… Et si les plantes étaient les lampes de demain ?


 Woodlight développe des plantes bioluminescentes, des plantes capables d’émettre leur propre lumière de façon autonome et durable. La bioluminescence est connue notamment avec les lucioles: c’est une réaction biochimique entre deux molécules qui permet d’émettre de la lumière par leur interaction. On transfert cette capacité dans les plantes pour qu’elles puissent a leur tour, émettre leur propre lumière.


Ça peut paraitre de la science fiction de greffer des gènes d’animaux lumineux sur des végétaux.


Ça peut paraitre mais on est en train de le développer. On est sur le projet depuis 2016, en laboratoire depuis 2018 et là, on est en train de développer les premiers prototypes de plantes bioluminescentes. Science fiction, peut être en imaginaire, mais finalement on y est bientôt.


Expliquez moi concrètement : vous greffez des gênes d’animaux lumineux sur des végétaux ?


Exactement.


Quel type de gêne animal et sur quel type de végétaux ?


Le type de gêne animal est confidentiel. Pour le type de végétaux, on travaille pour le moment sur une plante qui s’appelle Nicotiana Benthamiana. C’est une plante cousine du tabac qui est très connue scientifiquement : on connait son génome, on sait comment la cultiver en laboratoire et c’est assez rapide. C’est pour ça qu’on a choisi cette plante en particulier. Les étapes sont maitrisées. L’idée pour pour la suite est de travailler sur des plantes ornementales plus intéressantes pour l’usage qu’on en fera. Ça peut très bien être un lière pour les vitrines de magasins, mais aussi des arbres ou des buissons pour une alternative à l’éclairage urbain que l’on connait actuellement.


Est-ce qu’on peut imaginer des platanes éclairants ?


Oui tout a fait, c’est l’idée. C’est la vision qu’on a. L’idée est venue de ça. On est biologistes de formation, on est sensibles à l’écologie et on a voulu répondre à la problématique actuelle de la pollution en utilisant la biologie. C’est comme ça qu’est venue l’idée de développer des plantes bioluminescentes. Des arbres ou buissons bioluminescents comme balises dans des parcs, au bord des routes, sur les rond-points. On peut imaginer beaucoup de choses.


Ça serait un formidable espoir pour faire des économies d’énergie ?


Exactement. Economie d’énergie, remettre de la verdure dans les villes, dépolluer l’atmosphères car les plantes ont cette fantastique capacité de fixer le CO2, principal gaz a effet de serre. Donc remettre des végétaux dans les villes permettrait plusieurs fonctions : égayer les rues, dépolluer l’air et avoir des rues poétiques et magiques.


Des expériences de plantes lumineuses ont déjà été menées ?


Oui, ça a déjà été fait dans le passé aux États-Unis. En 2010, il y a des chercheurs américains qui ont essayé de mettre de la bioluminescence dans les plantes et ça a fonctionné. Le problème est que ce n’était pas visible à l’oeil nu : le système de luminescence qu’ils utilisaient n’était pas assez fort, pas assez puissant. On a d’abord travaillé sur la partie biologie moléculaire, donc la partie génétique pour améliorer la bioluminescence, et seulement après on a travaillé sur les plantes.


L’objectif est d’avoir une intensité lumineuse comparable à celle d’un lampadaire ? C’est la vision, mais on ne sait pas si on va forcément attendre cette puissance car un lampadaire, c’est très très puissant. On pense plus avoir une lumière d’ambiance, et du coup plutôt un balisage au départ. Plusieurs collectivités en Alsace et en France nous ont déjà contacté et sont super intéressées, notamment pour l’aspect balisage. Tirer les câbles coute très très cher, et on présente alors une alternative très interessante. C’est un peu trop s’avancer de dire qu’on va remplacer les lampadaires : cela sera plutôt une alternative. Il y a des endroits qui sont vraiment sur-éclairés actuellement, qui nécessitent pas autant d’éclairage et là ça pourra vraiment être une réponse. Il y a d’autre endroits dans la ville où il faut une puissance lumineuse importante : le lampadaire a LED fait là très bien le job.


Quelles sont les collectivités qui sont déjà intéressées par votre projet ?


Il y a une ville d’Eure et Loire. La communauté de commune de Ribauvillers : nous les avons contacté pour savoir ce qu’ils en pensaient et la directrice était intéressée pour le balisage du parc qu’ils sont en train de refaire actuellement. D’autres villes autour de Paris nous ont demandé aussi.


J’ai lu aussi que vous aviez des négociations avec le groupe LVMH pour illuminer leurs vitrines avec des végétaux?


On a été en contact avec eux l’année dernière car on a fait un salon VIVA technologie (salon européen sur l’innovation). Effectivement le directeur du living lab de LVMH était très intéressé. Entre temps, on s’est beaucoup concentrés sur la partie recherche et développement. Mais dès qu’on est prêts, on retournera vers eux pour en discuter un peu plus en profondeur et voir quelle collaboration serait possible entre nous.


Ça veut dire que vous aller commercer des plantes lumineuses ensuite ? Quel est l’objectif ?


L’objectif c’est ça. En début d’année, on ne sera pas du tout en train de les commercialiser. La première étape est de développer un prototype, et ensuite il faudra le transformer en produit. Il y a encore plusieurs mois de peaufinage. L’idée ensuite est de vendre des plantes. Comme dit, la vision est de toucher les collectivités. Woodlight va se développer sur un assez long terme car développer des arbres ou des buissons luminescents va prendre du temps. Il y a un temps de pousse du végétal qui est irréductible : il peut prendre quelques mois voire quelques années. C’est pour ça qu’en premier marché, on s’intéresse plutôt au luxe et aux particuliers.