Brasserie de l'Espérance : une cagnotte pour aider les grévistes
Publié : 1er février 2023 à 8h32 par Sébastien RUFFET
Les syndicats maintiennent la pression
Crédit : @Top Music - SR
Le 14 novembre dernier, on leur annonçait qu'ils seraient tous à la porte au 1er janvier... 2026 ! Une situation bancale à vivre, et les syndicats veulent obtenir le meilleur plan social possible. Et pour cela, on peut les soutenir.
La Brasserie de l'Espérance, à Schiltigheim, est pour ainsi dire un lieu mythique de la bière alsacienne et française. Fondée en 1746 à Strasbourg, elle a posé ses valises à Schiltigheim en 1862 et sera, toujours, un fleuron de l'industrie brassicole. La fameuse "cathédrale" inaugurée en 1932, avec ses six cuves en cuivre, est toujours en activité et en met plein les yeux aux visiteurs. Même après la reprise par Heineken en 1972, l'Espérance a continué d'être à la pointe. C'est ici qu'est née la Despérados par exemple. Quant au savoir faire alsacien, il n'est plus à démontrer puisque la brasserie a été honorée deux fois des "Quality Awards", c'est à dire qu'elle a produit la meilleure Heineken au monde, mieux que n'importe quelle autre brasserie sur la planète. C'est ici aussi que sont brassées les Despérados, Affligem et à titre exclusif la Heineken 00 (sans alcool).
Dernier point : le site continue de rapporter de l'argent.
Alors pourquoi fermer ? Pour l'intersyndicale, représentée par Mickaël Burck (CFDT), Didier Deregnaucourt (CGT) et Vania Brouillard (FO), "Heineken se dit qu'il peut gagner encore plus d'argent en fermant l'Espérance et en produisant tout à Mons-en-Baroeul, dans le nord. Ils sont loin les beaux discours de l'entreprise familiale..." Autrement dit, une entreprise qui génère plus de deux milliards de bénéfices à l'échelle mondiale se dit qu'elle pourra encore gratter quelques millions en fermant un site (avec 220 salariés) qui lui rapporte déjà pas mal d'argent.
Accompagner les salariés
La fermeture étant actée - bien qu'un courrier de 14 pages est parti pour rappeler qu'imposer une décision à horizon trois ans n'avait pas de sens, cf le Covid - le rôle de l'intersyndicale est maintenant d'obtenir le meilleur plan social possible pour les salariés. "Il suffit de sept à dix personnes pour tout bloquer. On est sept filtreurs : déjà là, la production peut s'arrêter." La difficulté est donc de tenir dans le temps. Car si la grève est un droit fondamental, le gréviste renonce à son salaire. C'est là que l'on peut les aider : "On a lancé une campagne pour faire pression sur la direction. La cagnotte servira à compenser la perte de salaire des grévistes, et plus on tiendra longtemps, plus ça aura d'impact parce que ce sont des millions qui seront en jeu pour Heineken à un moment." Et s'il devait y avoir "trop d'argent" au bout du compte, le reste de la somme sera alors versé à une association caritative qu'ils ont déjà identifiée.
S'ils ne sont pas sourds aux logiques d'entreprises, les représentants du personnel ont toutefois du mal à digérer cette décision, qui, pour le coup, n'est pas d'une logique implacable.
La Brasserie de l'Espérance, dans le flou, menacée de disparition
Ambiance...
"Le vrai sujet, c'est le vivre ensemble pendant trois ans", assène Vania Brouillard. "On nous dit, au 1er janvier 2026, vous êtes tous licenciés, mais en attendant, il faut continuer la production et assurer 1,4 million d'hectolitres par an ! Dix jours après l'annonce, ils nous demandaient de faire des tests de nouveaux produits qui seront fait ailleurs ! On marche sur la tête."
Mickaël Burck confirme le sentiment "de dégoût" des salariés. "Il y a une perte de sens et de motivation. On reste professionnels, et on respecte le produit : on continue de faire de la qualité et on ne jette rien. Mais il y a beaucoup de questions. Et si on postule ailleurs et qu'on trouve du boulot, Heineken nous demande de démissionner !" De quoi rire jaune.