Dans les coulisses de la brasserie des Haras : reconquérir la jeunesse
8 avril 2024 à 19h05 - Modifié : 9 avril 2024 à 15h14 par Jules Scheuer
La brasserie des Haras nous a ouvert ses portes le temps d'un service.
Crédit : Top Music - JS
Depuis quelques années, le secteur de l’hôtellerie-restauration fait face à de nouveaux défis, imposés par une jeune génération exigeante vis-à-vis de ses employeurs et de ses conditions de travail. Pour y remédier, la restauration fait des concessions pour tenter de séduire cette nouvelle génération. Nous nous sommes immiscés dans les coulisses de la brasserie des Haras à Strasbourg, pour mieux comprendre les dessous et le fonctionnement de ces grandes tables.
En poussant les portes des Haras, restaurant gastronomique emblématique de Strasbourg, le client peut d’emblée être plongé dans l’atmosphère du restaurant. Face à la porte principale, une cuisine ouverte en forme de fer à cheval, clin d’œil à l’ancienne vie de l’établissement. De 1752 à 1823, le bâtiment faisait office de siège de l’Académie municipale d’équitation. Ici, bien avant le début du service de midi, l’ensemble de la cuisine est déjà bien affairé. En faisant le tour de la quinzaine d’employés présents derrière les fourneaux, on remarque aisément une particularité qui n’est plus si commune dans nombre de restaurants en France. Ici, aux Haras, toutes les générations se croisent et sont présentes en cuisine. Apprentis, jeunes professionnels, cuistots aguerris, chefs de rang.... L’ensemble des hiérarchies est bien représenté.
La salle de réception de la brasserie des Haras. - Crédit Photo : Top Music - JS
Pourtant, depuis quelques années, le secteur peine à recruter et à convaincre la jeune génération de rejoindre ses rangs. En avril 2023, l’UMIH, Union des Métiers et des Industries de l’Hôtellerie, annonçait que 200 000 postes étaient à pourvoir dans l’hôtellerie-restauration pour la saison estivale en France. Une fois l’été arrivé, tous les postes n’avaient finalement pas trouvé preneur, engendrant ainsi une pénurie de personnel dans une filière manquant déjà d’attractivité.
“On est carrément sur une toute une autre mentalité, une autre façon de penser”
Aux Haras, le climat est plus paisible, plus serein. « Ici, on n'est pas forcément en manque de personnel. On est un vrai centre de formation, on a des apprentis dans tous les domaines : en pâtisserie, en salle, en cuisine », raconte Arthur Auzemery, 22 ans. Le jeune homme est employé aux Haras depuis plus de quatre ans. Dans la brigade, il est chargé de la préparation des entrées. Forcément, il n’est pas le plus jeune du service. Derrière lui, il y a les apprentis, pas encore majeurs et qui découvrent tout du métier. « Du haut de mes 22 ans, il y a déjà le plaisir de transmettre. Donner, c’est recevoir. Quand on les voit évoluer, c’est un peu ce qui nous rend fier aussi », ajoute-t-il. Dans l’institution strasbourgeoise, que l’on soit l’un des plus jeunes cuisiniers ou que l’on soit le chef de cuisine du restaurant, tout le monde se charge de transmettre son savoir. « Il n’y a pas de mauvais élèves, que des mauvais professeurs. Si on veut bien former, il faut être exemplaire, ou du moins, essayer de l’être », se fend François Baur, chef cuisinier aux nombreuses années d’expérience. Ce besoin de transmettre devient de plus en plus capital, pour continuer de donner envie à la nouvelle génération d’exercer ce métier si exigeant. Car aujourd’hui, les attentes ne sont plus les mêmes. « Je crois que là, on est carrément sur une toute une autre mentalité, une autre façon de penser », s’exclame le chef. « Maintenant, c’est à nous de former, de donner envie de faire ce métier. Mais il faut donner envie de la meilleure des manières. »
Un métier aux journées parfois éreintantes
Pour cela, l’établissement tente de se plier aux demandes de la nouvelle génération. Horaires de coupures avec des journées XXL, salaires jugés parfois trop maigres, manque de considération dans leur travail... Les jeunes cuisiniers veulent en finir avec ces pratiques. Pour attirer cette jeunesse, « la cuisine devrait aussi s’adapter », estime Arthur Auzemery. « Ici on peut parfois bénéficier d’horaires en continu, on a aussi une salle de repos qui a été mise en place pour ceux qui font des coupures. Ça leur permet de gratter beaucoup de temps entre deux services et d’être bien reposé », explique-t-il. « J’ai vécu des stages à l’ancienne, où les mecs faisaient du 8-23h non-stop. Quand t’es apprenti là-bas, tu fais que du nettoyage, de l’épluchage... Ce n'est pas intéressant. » Dans les cuisines des Haras, les apprentis sont sur tous les fronts et sont guidés par leurs supérieurs. Le matin de notre tournage, Anthony, 16 ans, s’occupe de la découpe des blettes. « J’ai découvert ce geste aujourd’hui », explique cet étudiant en CAP. « J’aime bien l’esprit d’équipe, il faut l’avoir en cuisine. L’adrénaline aussi pendant les gros services. Mon objectif, c’est d’être chef de parti, c’est-à-dire de gérer un poste complet ».
Tout ce petit écosystème permet de sortir à chaque service pas moins de 150 couverts. Des volumes impressionnants qui ne débordent désormais plus sur la vie personnelle. D’après Arthur Auzemery, dans ce restaurant, les employés peuvent « avoir une vie de famille à côté, même des loisirs. Ce sont des choses que les anciens n’avaient pas forcément. C’était beaucoup plus dur à l’époque. » D’après lui, il va désormais falloir que cette jeune génération fasse aussi un pas en avant. « Maintenant, ça va être aux jeunes de faire la part des choses et de se dire “je sais que j’ai cette chance”. Il faut savoir prendre du recul sur ça. Peut-être que l’herbe est plus verte ailleurs, mais ici, avec ce qu’il y a en place, on a pas à se plaindre. »
Découvrez la première partie de notre vidéo en immersion dans les cuisines des Haras :