Jeanne Barseghian : “Fini le trafic automobile de transit sur certaines avenues à Strasbourg”

Publié : 22 juin 2022 à 6h00 par Anne-Sophie Martin

Objectif : limiter le trafic de transit et les parkings en voirie, avenue des Vosges

Crédit : @Top Music

“Utiliser la voiture à sa juste place, limiter le trafic automobile de transit qui génère trop de nuisances, de pollution et trop d’insécurité pour les riverains, et réduire les parkings en voirie" : ce sont les mots de la maire de Strasbourg, Jeanne Barseghian qui a présenté sa révolution des mobilités. Un projet qui “vise à bouleverser le centre-ville pour lutter contre le réchauffement climatique.”

Titre :Ecoutez l'interview de la maire de Strasbourg Jeanne Barseghian sur la révolution des mobilités

Une consultation dénommée “Strasbourg, la ville à vivre” est lancée pour aménager autrement le secteur du centre-ville. Une première réunion publique d’information aura lieu ce mercredi 22 juin à 19h au Centre Socio-Culturel du Fossé des Treize. Les habitants seront consultés sur différents points :


- Un ring cyclable de 3,9 km, qui s’inscrira au Nord le long des quais intérieurs qui contournent l’ellipse insulaire, et au Sud, où il reliera les Ponts-Couverts au Pont Saint-Guillaume en traversant l’hôpital civil de Strasbourg et le quartier de la Krutenau. Pour les cyclistes, ce ring sera une manière efficace de contourner le centre-ville.


- Une nouvelle politique de stationnement avec de nouveaux parkings en ouvrage dans les secteurs de la Neustadt, Neudorf, et Montagne Verte. Objectif : ranger les voitures dans des parkings plutôt que sur la voirie.


- Le prolongement de la ligne G de bus, à haut niveau de service, de la Gare Centrale jusqu’au bassin des Remparts. L’extension emprunte les boulevards de Metz, Nancy, Lyon, puis les quais Pasteur, Fustel, Taffel, le quai des Alpes et enfin le quai des Belges. 


- La transformation du secteur des Halles à Strasbourg.


- Le développement du réseau de tramway entre Strasbourg, Schiltigheim et Bischheim. Depuis la Place de la Gare, le tramway empruntera le boulevard Wilson, la rue de Wissembourg, la Place de Haguenau et l’avenue des Vosges jusqu’à l’avenue de la Paix où il se branchera ensuite sur le réseau existant. Pour relier les communes de Schiltigheim et de Bischheim, un nouveau tracé, depuis la place de Haguenau, empruntera la route de Bischwiller, la rue Hélène Schweitzer, la route du Général de Gaulle, la route de Brumath, avec un terminus dans le secteur de la rue de Périgueux. 


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La maire de Strasbourg Jeanne Barseghian répond aux questions d'Anne-Sophie Martin.


Jeanne Barseghian, vous avez présenté votre révolution des mobilités. Votre objectif est-il de limiter la place de la voiture ?


Je souhaite qu’aujourd’hui on puisse à nouveau faire évoluer la vision de la ville, notamment sur le centre-ville de Strasbourg qui concentre énormément de flux, énormément de besoins sur un espace contraint. C’est donner plus de place, plus d’efficacité à la marche, au vélo, de permettre de végétaliser davantage notre centre-ville. Et c’est un enjeu pour les grandes villes, l'objectif est d’atténuer les effets du changement climatique, on le voit bien pendant ces jours de canicule avec la pollution de l’air.


Concrètement, est-ce que les voitures ne pourront plus circuler sur certains axes ?


Depuis de nombreuses années la place de la voiture se réduit dans la ville. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle Strasbourg est connue au niveau national mais aussi international, pour être une ville où il fait bon vivre. Depuis le début de cette année, il y a vraiment un boom des déplacements à vélo et de la marche et des demandes des habitants qui sont toujours plus fortes pour élargir les trottoirs, pour avoir des pistes cyclables sécurisées. Ça demande effectivement de prendre sur l’espace qui est aujourd’hui dédié à la voiture.


Je souhaite réduire drastiquement ou supprimer ce qu’on appelle le trafic de transit, qui génère énormément de nuisances dans différents quartiers. On peut parler de la Neustadt par exemple qui subit encore beaucoup de trafic automobile. Mais c’est aussi l’espace dévolu à la voiture pour du stationnement en voirie avec des voitures qui généralement sont immobiles sur l’espace public, à 96% du temps. Donc c’est les fameuses voitures ventouses. Je souhaite qu’on puisse utiliser cet espace pour d’autres choses, pour avoir des trottoirs plus larges, pour avoir des belles pistes cyclables, pour végétaliser la ville, que cela soit plus sûr. Cela ne veut pas dire qu’il n’y aura plus de voitures, il faut qu’on puisse davantage les parquer dans des parkings en ouvrage, que ce soient des parkings publics ou privés.


Vous avez prévu une nouvelle politique du stationnement : avec trois projets de nouveaux parkings en ouvrage, pour libérer certaines rues.


Oui, on a trois secteurs tendus en matière de stationnement à Strasbourg. C’est le secteur de la Neustadt, avec la requalification de la place de Haguenau et l’arrivée du tram, qui va venir du Nord de l’agglomération et qui passera avenue des Vosges. Evidemment c’est aussi une opportunité de réaménager cette avenue pour en faire un lieu à vivre, avec un patrimoine remarquable classé à l’UNESCO à redécouvrir. C’est aussi le quartier du Neudorf, je le connais bien car j’y habite, dans lequel on constate énormément de stationnement sauvage et des trottoirs qui n’existent plus avec une incapacité à passer pour des personnes à mobilité réduite ou pour des parents avec leurs poussettes et leurs enfants. Et puis le quartier de la Montagne Verte, où là aussi on doit mieux réguler le stationnement.


L’objectif est de supprimer combien de places de parking en voirie ?


Je n’ai pas de chiffres à vous donner à ce stade. Cela va donner lieu à des concertations dans les prochains mois. Mais il faut comprendre que ce n’est pas seulement une réforme du stationnement. C’est vraiment une transformation de tout notre espace public. Aujourd’hui il y a des réglementations nationales et européennes, avec la zone à faible émission qui nous demande soit de nous passer complètement de voiture individuelle, soit de changer de mode de véhicules. Aujourd’hui, on peut contacter l’Agence du Climat et avoir un conseil en mobilité, gratuit et bénéficier d’aides de notre collectivité, ce qui permettra peut-être de se dire qu’on n'a plus besoin de sa voiture individuelle et qu’elle nous encombre plus qu’autre chose. Donc cette réforme, cette révolution des mobilités, cette transformation de l’espace public, c’est vraiment pour que Strasbourg continue d’être une ville à vivre dans les prochaines décennies. 


Parmi les grands projets : il y a le ring, une piste cyclable pour contourner le centre-ville de Strasbourg qui sera achevée en 2026.


Là où on a le plus de conflits aujourd’hui entre les piétons et les cyclistes, c’est dans le centre-ville de Strasbourg. Il est important qu’on puisse à nouveau séparer les flux, pour d’une part permettre aux piétons des cheminements apaisés. En plus la marche c’est bon pour la santé. Et puis d’autre part permettre des itinéraires efficaces pour les cyclistes. Et pas seulement ceux de Strasbourg, mais ceux qui viennent des autres communes de l’Eurométropole ou les visiteurs. Ce ring multimodal va contourner la Grande Ile et permettra d’avoir un itinéraire continu. C’est une solution très pratique pour réduire au maximum ces conflits qu’on peut constater et qui malheureusement génèrent de plus en plus de tensions. On a déjà préfiguré une partie de ce ring cyclable sur les quais nord de l’ellipse insulaire. C’est encore à l’état transitoire, avec des aménagements qui ont été réalisés très rapidement. Evidemment à l’avenir on aura une véritable infrastructure, très lisible, sécurisée, qui permettra aux cyclistes de bénéficier d’un itinéraire extrêmement efficace.


Il est prévu le déploiement du réseau de tram entre Strasbourg, Schiltigheim et Bischheim.  A côté du tram, la voiture aura-t-elle encore sa place, avenue des Vosges ?


Elle aura sa place pour les riverains qui doivent accompagner une personne âgée, qui doivent déposer leurs courses, ou qui se déplacent en famille. Donc évidemment il s’agit pas d’interdire la desserte pour les riverains. L’objectif c’est d’éviter au maximum le trafic de transit. Dans le cadre de la concertation qui aura lieu sur l’Avenue des Vosges, on envisage des scénarios qui vont vraiment modifier profondément cet axe, dans le prolongement de la place de Haguenau, qui aujourd’hui n’est pas du tout une place à vivre, qui est plutôt un nœud routier et autoroutier. Pourtant sur la place de Haguenau il y a un très beau parc au milieu mais il est à peine accessible à cause du flux continu de voiture. C’est très dangereux. L’objectif c’est aussi de libérer les trottoirs de l’avenue, de pouvoir redécouvrir ses magnifiques façades du secteur de la Neustadt. D’avoir aussi de la place pour les commerçants, pour pouvoir profiter des vitrines, peut-être de futures terrasses. Nous souhaitons végétaliser cet axe. Il sera possible de s’y déplacer en voiture, mais pas pour du trafic de transit, celui là n’est plus le bienvenu en cœur de ville, il génère trop de nuisances, de pollution et trop d’insécurité pour les riverains.


Les voitures (en trafic de transit) ne pourront donc plus circuler place de Haguenau, boulevard Sébastopol, boulevard de Lyon ou avenue des Vosges.


Oui l’objectif c’est vraiment de réduire au maximum le trafic de transit. C’est la raison pour laquelle on investit massivement sur les transports collectifs et notamment le train, les cars interurbains mais aussi le réseau CTS, donc les trams avec nos extensions de tram et aussi les bus express, on va avoir des connexions très efficaces. L’objectif c’est d’éviter que ces personnes prennent leur voiture et traversent Strasbourg, mais qu’elles prennent l’habitude de déposer leur voiture dans un parking relais, un peu plus à l’extérieur de la ville. Elles pourront continuer leur trajet, soit en transport en commun, à vélo ou à pied. On étudie la ville du quart d’heure, et on se rend compte qu' à Strasbourg, en 10-15 minutes, on peut parcourir des distances intéressantes et c’est bon pour la santé !


 


 


 

Evolution du trafic automobile à l'entrée du centre-ville de Strasbourg par jour


227 000 voitures en 1991


140 000 voitures en 2019


112 000 voitures en 2021 (post Covid)


Proposition de réaménagement du boulevard de Lyon



Proposition de réaménagement du quai Turckheim