Pierre Lannier marque son retour
Publié : 21 octobre 2022 à 15h31 par Sebastien Ruffet
Une montre assemblée en Alsace, près de Saverne
Crédit : @Top Music - SR
Fondée en 1977, le créateur alsacien Pierre Lannier revient avec une double actualité très forte : une relocalisation de sa production en Alsace ainsi que l'arrivée d'une montre haut de gamme pour les 45 ans de la marque.
C'est à une visite exceptionnelle que m'a convié Pierre Burgun, le patron de Pierre Lannier. Ce passionné d'horlogerie s'est montré enthousiaste à l'idée de partager sa conception du métier, ainsi que les coulisses de son usine d'Ernolsheim-lès-Saverne. Entreprise discrète, Pierre Lannier n'affiche pas forcément spontanément son "alsacitude", mais s'en revendique quand même : "On est fiers de l'être mais on le revendique pas. Beaucoup de gens ont des Pierre Lannier et ne savent peut-être pas que c'est fabriqué à quelques kilomètres de chez eux, près de Saverne."
C'est Jean-Baptiste Kuhn, le responsable marketing et digital, qui m'amène faire un tour du propriétaire. Direction l'atelier création, avec cinq personnes qui imaginent, dessinent et composent sur des logiciels dédiés les montres de demain. D'abord une idée, puis un dessin. Des échanges avec les fournisseurs, "pour savoir ce que l'on peut faire techniquement ou non", pour ensuite peaufiner le projet. Le logiciel 3D photo-réaliste permet de percevoir les textures, les reflets, les couleurs au plus près de la réalité. L'acquisition d'une imprimante 3D a aussi permis de gagner du temps dans la conception pour avoir un aperçu réel du gabarit, pour passer à la suite. Ici, des centaines de montres ont déjà vu le jour, avec toujours des contraintes différentes. Pour la 1977 (voir ci-dessous), de nombreux éléments de design et de technique ont été pris en compte, une petite révolution pour les équipes qui auraient pu concevoir cinq montres différentes avec le temps consacré à cette montre anniversaire.
Du dessin à la montre
La suite, c'est à l'atelier d'assemblage. Les pièces façonnées arrivent et passent entre des mains expertes. On est face à une sorte d'artisanat industriel, puisque la production est assez importante, mais que l'intervention humaine est nécessaire à chaque étape : poser les aiguilles, fixer un cadran, vérifier l'étanchéité... La moindre opération nécessite des vérifications et le taux de perte est minime en bout de chaîne. "Si éventuellement un élément vient à casser, mais sinon, on a un taux de déchets très faible", confirme Jean-Baptiste Kuhn.
Le renouveau du Made in France
Après avoir délocalisé une partie de la production à Madagascar, Pierre Lannier a décidé de revenir en grande partie à Ernolsheim-lès-Saverne. Les équipes ont été remaniées, les postes revus et affinés. Pourquoi ce choix ? Pierre Burgun, le PDG, l'explique simplement : "La raison principale c'est le renouveau du Made in France, et on a évolué dans notre collection. On a une gamme de prix plus élevée qui nous permet d'intégrer la fabrication Made in France, Made in Alsace. On est en prix moyen à 140€ au lieu de 80, et ça nous permet d'intégrer du Made in France. C'est avant tout une volonté, on veut le faire comme ça. On pourrait les faire faire en Asie, en Chine comme beaucoup de nos concurrents, masi on n'a pas envie. Depuis toujours on a envie d'être en France, en Alsace, et puis évidemment il y a un attrait plus important que ce soit Made in France. Résultat, on a envie de le faire, ça intéresse les gens, donc on a intérêt à le faire."
A l'approche des fêtes de fin d'année, Pierre Lannier devrait se montrer encore plus présent dans les boutiques et sur les salons. Pierre Burgun, en passionné, note un timide retour de l'horlogerie française. Au même titre que pour les brasseries, les "gros" ont disparu, mais il existe une très belle vitalité chez des "petits". Pierre Lannier fait figure de locomotive de cette nouvelle horlogerie tricolore, avec un héritage solide, et des idées plein la tête pour les prochaines années.
1977, une date, une montre
Pierre Lannier est plutôt un habitué du rapport qualité-prix agressif, avec des montres assemblées en France, aux belles finitions, et proposées à des tarifs qui vont de 100 à 250€. Pour les amateurs, franchement, c'est cadeau. Pour la 1977, "on change d'univers", selon le PDG Pierre Burgun. De la conception à la réalisation, tout relève de l'exceptionnel : "La principale caractéristique, c'est qu'elle est basée sur des composants essentiellement français. Il n'y a malheureusement plus de fabricants français de cadrans, donc à l'exception du cadran, tout est français ! Le but, c'était de montrer que c'est faisable, c'était le challenge, et le faire pour nos 45 ans c'était un clin d'oeil sympathique aux débuts de l'entreprise où on travaillait avec des composants français. Il fallait réfléchir différemment parce que les codes du plus haut de gamme ne sont pas les mêmes. C'était un vrai challenge pour tout le monde : les équipes de création, de production, de marketing. Pour l'instant, c'est le projet d'une montre, mais à l'avenir, on a peut-être envie d'aller plus loin (sourire)." Au total, pour composer la montre, on retrouve du cuir alsacien des tanneries Haas, des aiguilles faites en Franche-Comté, comme le boîtier et le bracelet, un cadran suisse (par la force des choses), et le mouvement, au coeur de la montre, c'est un mouvement Pequignet, le seul fabriqué en France actuellement.
Jean-Baptiste Kuhn, le directeur marketing et digital, souligne que "l'entreprise a tenu à contenir le prix symboliquement à 1977€, mais c'est une montre qui vaut 2500 ou 3000€ sans problème, si on s'en tient à l'origine des composants et la main d'oeuvre nécessaire".