Produits locaux : une option accessible à tous les porte-monnaies ?
23 janvier 2024 à 6h00 - Modifié : 23 janvier 2024 à 8h28 par Jules Scheuer
Ici, un étal de fruits et légumes d’Alsace.
Crédit : Crédit Photo : Top Music - JS
En 2020, à la sortie du premier confinement, un Français sur quatre déclarait consommer davantage de produits locaux selon un sondage IPSOS. Depuis, ce mode de consommation a la cote, notamment dans le secteur alimentaire. Mais cette manière de consommer est-elle accessible au plus grand nombre ? Exemple à Strasbourg, avec la coopérative de producteurs bio et locaux Kooma.
Tomates d’Espagne en plein hiver, viande importée issue de l’agriculture intensive, fruits exotiques... Depuis quelques années, le consommateur a développé une nouvelle sensibilité concernant la consommation alimentaire « hors-saison » et l’impact écologique que peut avoir de telles pratiques. À la place, la consommation de produits locaux séduit de plus en plus et se fait sa place dans les paniers de courses. À tel point qu’une étude, publiée par l’Institut de Recherche et d’Information, affirme qu’en 2022, 51% des français souhaiteraient avoir plus de choix de produits « locaux » en magasin. À en croire toutes ces données, consommer local semble compiler de nombreux avantages : écologiques, santé, meilleure rémunération des producteurs... Quid du prix d’achat ? Est-il vraiment accessible au plus grand nombre ou manger local relève-t-il encore d’un doux rêve ?
Un vaste choix de produits bios et locaux
À Strasbourg, Kooma espère apporter des éléments de réponse à ces questionnements. Lancée depuis le mois de novembre, en plein cœur du quartier de la Krutenau, cette coopérative de producteurs s’est installée dans les anciennes manufactures de tabac de la ville alsacienne. Cet immense espace doté d’une épicerie, d’une brasserie, d’un pub ou encore d’un rooftop est entièrement dédié au bio et au local. Ici, les producteurs sont majoritairement Bas-Rhinois, les autres viennent de départements français limitrophes. Tous confectionnent des produits issus de l’agriculture biologique. « L'idée, c'est d'avoir une complémentarité des produits. Ici, nous proposons de la viande, des produits laitiers, du maraîchage, des fruits, des légumes, du vin, des produits transformés, de la farine, des œufs... », énumère Cathydja Patel, coordinatrice de la coopérative Kooma. Lancé en 2015, le projet a enfin pu accueillir ses premiers clients à la fin de l’année 2023. L’objectif de l’établissement est clairement affiché. « Kooma, c’est avant tout l'envie de mettre en lien la ville et la campagne. L’envie de mettre en avant le local, le “bien-manger”, le bio avec en plus cette touche liée aux producteurs et aux paysans », lance la responsable.
“Cette coopérative de producteurs, c’est une extension de notre ferme.”
Dans les allées de l’épicerie, le constat est sans appel. La quasi-totalité des produits est originaire d’Alsace. Serre composée de fruits et légumes de saison, étals de viande issue d’une ferme mosellane, vins alsaciens sur les étagères, tout est sourcé et originaire d’un rayon à l'échelle régionale. Treize producteurs sociétaires font partie de cette aventure. Parmi eux, Katia Simonis, vigneronne du domaine éponyme d’Ammerschwihr, à 82 kilomètres de Strasbourg. Dans son vignoble familial de 7 hectares, elle produit avec son mari des vins en biodynamie. « Cette coopérative de producteurs, c’est une extension de notre ferme. Ça nous donne les moyens d’arriver au centre de Strasbourg avec nos produits et d’aller directement au contact du consommateur », raconte Katia. Dans ce lieu flambant neuf, les premiers clients curieux ne se sont pas fait prier. « Les gens sont très sensibles au fait qu’il n’y ait pas d’intermédiaire, qu’ils puissent discuter directement avec les producteurs. Ils aiment avoir des produits respectueux de l’environnement et ils sont souvent soucieux de ce qu’ils mettent dans leur assiette. »
La qualité du produit est indéniable dans cette épicerie. Concernant les prix eux, ils sont « tout à fait corrects. Les clients s’en sortent bien », assure la vigneronne. En effet, les prix de l’enseigne sont plutôt similaires à ceux des grandes surfaces basées à Strasbourg, même s’ils sont évidemment légèrement plus coûteux. Le secret de ces tarifs compétitifs pour des produits bios et locaux réside dans la structure de la coopérative Kooma et son circuit ultra-court. « Ici, nous avons limité au maximum les intermédiaires. Plutôt que de passer par des filières où on a des grossistes, des revendeurs, là il n’y a pas toutes ces étapes », affirme-t-elle. Dans ce circuit court, il n’y a même pas de place pour la négociation. « On n’est pas sur un modèle classique d’achat-revente, c'est-à-dire un modèle où on achète, on appose une marge au produit puis on le revend. Chaque producteur fixe son prix et ensuite, il y a une commission sur chaque achat qui sert à payer les charges du magasin », détaille Cathydja Patel. Du producteur au consommateur.
Consommer local, "c’est une question de priorité”
Dans le restaurant attenant, le menu du jour entrée-plat-dessert est affiché à 24 euros et un espace de snacking permet une restauration locale, bio et saine aux alentours d’une dizaine d’euros. Une volonté de la coopérative qui souhaitait aussi intégrer un public étudiant dans son marché. « Toute l’alimentation invendue ou en fin de date limite, on la propose au travers d’offres pour les étudiants », déclare Cathydja. Au sein des manufactures de tabac, l’école d’ingénieur de l’ENGEES a également installé ses locaux il y a un an. Théophile fait partie de la promotion et il vient faire ses courses alimentaires chez Kooma. Le prix plus élevé que dans les supermarchés classiques ne le dérange pas. « J’essaye d’acheter bio et local dans la mesure du possible. C’est sûr que ça coûte plus cher de faire ses courses ici. Mais c’est un choix. Quand on est étudiant, on sort régulièrement, on boit des bières... Alors acheter local, c’est une question de priorité », assène-t-il. Question de priorité plus que de budget selon Théophile. Mais au sein de la coopérative la question financière est ailleurs. « On est quand même sur des prix qui sont très justes et qui rémunèrent les producteurs à leur juste valeur », conclut la coordinatrice de Kooma.
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