Villa René Lalique : deux étoiles en misant sur les produits alsaciens

15 juin 2024 à 7h00 - Modifié : 19 juin 2024 à 10h33 par Sébastien RUFFET

Le chef Paul Stradner reste attentif aux saveurs de l'Alsace

Crédit : @Top Music - SR

Le chef autrichien de la Villa René Lalique a une fois de plus consolidé les deux étoiles de son restaurant de prestige. Pour se démarquer et chercher une troisième étoile, Paul Stradner travaille au maximum avec des producteurs alsaciens. Des saveurs d'ici - à quelques exceptions près - retravaillées et sublimées.

Le chef autrichien de la Villa René Lalique, Paul Stradner poursuit toujours son rêve de 3e étoile au Guide Michelin. Désormais bien installé dans le giron des restaurants ** en France, il mise sur les saveurs qui bordent Wingen-sur-Moder et cet héritage alsacien de la manufacture Lalique. Une vaisselle et des décors tout droit inspirés - voire sortis - des ateliers Lalique, et une cuisine évidemment raffinée mais toujours "en mettant en avant les produits autour de nous, en Alsace, ou en Lorraine". Le chef de 43 ans nous a reçu en toute simplicité, avant son service, pour évoquer cette recherche perpétuelle des meilleurs produits de la région. 



L'omble chevalier mariné cru et fumé, rhubarbe, pomme verte et huile de ciboulette / @Top Music - SR


"C'est important de donner une touche de la région à nos plats. Quand vous allez dans le sud de la France, vous ne mangerez pas la même chose. Il y aura peut être les mêmes produits, mais pas la touche d'Alsace. Aujourd'hui, ils ont tous déjà mangé de la noix de coco ou de la sauce soja ! On prend plutôt un chemin vers le retour à des saveurs oubliées autour de nous. Je prends l'exemple du lierre terrestre qu'on a mis à la carte cette année, il y a quelques années, on allait pas chercher des herbes sauvages en forêt, parce que ce n'était pas dans l'air du temps."


Asperge de Duurenbach, poisson de Sparsbach


Sur une carte de haute voltige comme celle de la Villa René Lalique, il est très difficile de faire du 100% alsacien, tant il est difficile d'écarter les produits de la mer, ou même des classiques comme le caviar. "On a pour cette carte saisonnière des ormeaux qui viennent de la mer, d'un peu plus loin, mais assemblés avec une garniture d'asperges vertes d'Alsace. On a trouvé un très bon producteur, la ferme Brandt-Arbogast (à Morsbronn-Durrenbach). Un produit bien d'ici. On est quand même une maison de luxe, on ne peut pas enlever tous les produits de la mer, ou le caviar, le client doit quand même en trouver à la Villa, mais on doit mettre en avant aussi les produits autour de nous." Avec ses influences allemandes et autrichiennes, Paul Stradner poursuit néanmoins sa quête de l'excellence alsacienne, une véritable terre de gastronomie. 



Un dessert autour de la cerise et du géranium imaginé par le chef pâtissier Nicolas Multon


Le poisson vient de la Pisciculture de Sparsbach, à quelques kilomètres du restaurant. Le chef étoilé y trouve des produits "très intéressants : l'omble chevalier, la truite saumonnée de grosse taille, 3 à 4 kilos, et aussi de la carpe, un poisson un peu oublié des cuisines. Les gens ont adoré, parce qu'ils ont un peu oublié le goût de la chair de la carpe, qui ressemble un peu au thon, mais le problème c'est les arêtes, elles sont difficiles à enlever, mais on a trouvé une bonne technique l'an passé. Son omble chevalier, travaillé avec de la rhubarbe et de la ciboulette est fumé maison, "un beau plat frais et léger pour entrer dans le menu"


Lierre terrestre de la forêt pour accompagner le veau et la truffe d'été


Cette année, son coup de coeur aura été pour le lierre terrestre, mêlé à du veau et de la truffe d'été. "C'est un bon mélange de saveurs entre un produit noble et une herbe sauvage qu'on trouve dans les forêts ici. J'avais déjà essayé de faire un plat avec ce produit, mais quand on fait des essais, ça ne marche pas toujours ! Et là pour la première fois, on a trouvé un plat qui peut mettre en avant cette saveur qui n'est pas connue des gens." Cette démarche initiée il y a de longues années par le chef mondialement reconnu Marc Veyrat, est aujourd'hui devenu bien plus qu'une mode, une obligation : "Il faut travailler avec des produits qui sont devant la porte. En Alsace, la viande, les fruits et légumes, on est dans une région riche avec de très bons producteurs, qui font pas seulement de la quantité, il y a beaucoup de qualité. Cela permet de prendre des produits traditionnels, que les gens connaissent, mais avec de la grande qualité, comme cette asperge verte, avec une belle couleur, un beau diamètre, et ça il y a dix ans, vous n'en trouviez pas. On a des producteurs qui font un travail pour avoir des produits encore plus exceptionnels qu'il y a dix ans."


Cette recherche permamente de l'excellence doit amener Paul Stradner à la 3e étoile, il en est convaincu. "On reste sur le chemin ! J'ai 43 ans, j'ai encore jusqu'à mes 65 ans (rires). Si ce n'est pas l'année prochaine, ce sera la suivante (rires). Après il ne faut pas oublier qu'en France, il y a plus de 80 restaurants qui ont 2 étoiles, le Michelin va sortir un, peut-être deux restaurants par an pour donner une 3e étoile, et c'est aussi avoir cette chance... Mais si à long terme, vous avez une haute qualité, après il y a cette possibilité de la recevoir à mon avis..." S'il devait décrocher ce fameux sésame, l'Alsace, dans tout son terroir, y serait alors forcément associée de très près.


 









L'étonnant pois-chiche


Parmi les plats étonnants de la nouvelle carte de Paul Stradner, il y a cette triple déclinaison autour du pois-chiche. Un pois-chiche cultivé près de Colmar. "Ce n'est pas typique de l'Alsace", note le chef autrichien. "Et beaucoup de gens disent "j'en ai mangé plein de fois", mais nous on a fait un plat avec une déclinaison en trois saveurs, et ce qui me plait beaucoup, c'est quand vous allez en salle, pas mal de gens disent "ok c'était dans les amuse-bouches, on va le manger", mais ils te disent que c'est le plat qui les a le plus marqués ! On l'a travaillé avec des techniques que vous ne faites pas à la maison, et ça c'est ce qu'on cherche : un produit simple, mais travaillé avec une grande qualité. Et si vous arrivez à surprendre le client, à ce qu'il garde ça en tête quand il repart, c'est que vous avez fait un très bon travail."