Lalique, 100 ans à Wingen-sur-Moder et pas une ride

Publié : 17 juin 2022 à 12h13 par Sebastien Ruffet

Lalique
Les petites mains perpétuent un savoir faire unique au monde
Crédit : @Top Music - SR

La cristallerie Lalique célèbre cette année les 100 ans de la mise en service du premier four à Wingen-sur-Moder. L'occasion de visiter les ateliers et de découvrir une exposition hors du temps.

Il règne encore un petit flou historique sur la date précise de la mise en service du premier four de Lalique sur le site de Wingen-sur-Moder. Ce que l'on sait, c'est que c'était autour de septembre-octobre 1922. En 2022, on peut donc revenir sur 100 ans de production en Alsace pour l'un des fleurons du luxe à la française. A cette occasion, une expo temporaire retrace au Musée Lalique cette riche histoire. La cristallerie nous a aussi ouvert ses portes pour une visite des ateliers. Et ça claque. 

Sur le site historique, là où René Lalique lui-même a installé son usine, environ 250 personnes travaillent toujours selon un savoir-faire exceptionnel. Oui, de nouvelles techniques sont apparues, oui, l'usine s'est modernisée, mais chaque production passe entre les mains d'innombrables ouvriers spécialisés, où chaque étape est contrôlée visuellement par un expert. La visite est assurée par Francis Marrotte, responsable supply chain, plus de 20 ans de boîte, et toujours la même passion. On découvre avec lui que "plus de 2 000 moules sont stockés, pour pouvoir refaire l'un ou l'autre modèle", mais aussi que pour la partie poterie, "c'est une terre très spécifique que l'on fait venir de Gironde". Dans les ateliers, Lalique rassemble sept Meilleurs Ouvriers de France, signe du niveau d'excellence. L'exigence se caractérise par un autre chiffre : 40 à 50% de taux de rebut rien qu'après l'étape de la fusion (à 1400 degrés) et du moulage. Les vases, verres, assiettes et autres objets de décoration sont ensuite éliminés petit à petit à chaque nouvelle étape, à mesure que des défauts apparaissent. "On ne veut garder que les produits parfaits", assène Francis.

 

Le très haut de gamme reconnu dans le monde entier

Un cristal lumineux, façonné à la main, Lalique peut lui donner de la couleur. Quelques grammes de cobalt, d'or ou d'herbium viendront teinter de bleu, de jaune, de rose les créations de la maison. L'application d'une colle à certains endroits seulement permettra d'avoir un effet satiné / mat qui fait rejaillir les contrastes et la lumière. Voir les différentes étapes, c'est tout simplement bluffant. Et on se dit que les prix, élevés pour le consommateur moyen, ne sont pas volés vu la quantité d'étapes à passer pour obtenir ces merveilles. Pas étonnant dès lors d'entendre Francis Marrotte indiquer que "Lalique, c'est le luxe à la française, à travers tous les continents. On est reconnus partout, comme du luxe, des produits de très haut de gamme. On est très apprécié à travers l'hôtellerie, les bâtiments prestigieux qui veulent sublimer leur architecture." Comme ces lustres ou ces miroirs commandés par des grandes enseignes japonaises ou new-yorkaises, dont le prix ne sera pas dévoilé, mais dont on comprend qu'il a fallu mettre six chiffres sur le chèque. 

C'est donc ici, dans ce petit village de 1500 habitants, que se perpétue cette notion de luxe. Et "pas question de déménager, c'est ce qui fait l'identité de l'entreprise. On fait évoluer les bâtiments pour s'adapter à la demande et aux nouvelles technologies, mais on reste ici, c'est notre ADN, et on en a besoin de ça pour pouvoir continuer à vivre. Le côté coeur, savoir-faire, ça prime. Il y a cet attachement à la marque et à l'origine de la marque qui est de Wingen. Baccarat reste à Baccarat, Lalique reste à Wingen-sur-Moder."

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 Une expo hors du temps

"100 ans de Lalique en Alsace", c'est le nom de cette expo temporaire (18 juin - 6 novembre 2022) qui retrace la vie de l'usine à partir de son installation à Wingen-sur-Moder. René Lalique arrive en Alsace à 62 ans, il a donc déjà un vrai savoir-faire réputé à travers le monde. L'expo se penche aussi sur son travail pré-Wingen pour comprendre aussi les origines de la marque et du site. On trouve donc quelques pièces réalisées avant son installation dans la région. Mais pourquoi Wingen ? Véronique Brumm, directrice du musée : "Il y a une tradition verrière ici, Meisenthal, St-Louis, Baccarat... Et au lendemain de la 1ere Guerre Mondiale, il y a aussi des mesures du gouvernement pour mettre l'Alsace-Moselle en valeur." René Lalique va donc profiter du double levier pour s'installer et tenter de "rendre le beau acccessible". On navigue ainsi entre les arts de la table chers à René Lalique et les pièces d'exception. On découvre aussi les moments charnières : en 1945, René décède et c'est son fils Marc qui prend la relève et qui décide de faire le choix du cristal. Sa proximité avec Robert Ricci, le fils de Nina Ricci, lui permet de réaliser des flacons de parfum qui vont marquer l'histoire de l'industrie. Le visiteur verra ensuite une touche plus féminine émerger quand Marie-Claude Lalique prend la suite de Marc, en 1977.

Des pièces ont été réalisées spécialement pour l'occasion, pour permettre de comprendre et voir les différentes étapes et l'impact d'un sablage par exemple. L'expo s'achève en 2022, avec les derniers investissements, qui montrent que Lalique est encore là pour longtemps, à Wingen-sur-Moder