"Le pic de l'épidémie n'est pas encore atteint" : interview du Pr Hansmann

31 mars 2020 à 16h04 - Modifié : 10 mai 2021 à 10h58 par Anne-Sophie Martin

TOP MUSIC
Un essai clinique sur le Covid-19 est mené au Nouvel Hôpital Civil de Strasbourg. /@wikimedia

Le Professeur Yves Hansmann, infectiologue, chef du service des maladies infectieuses au Nouvel hôpital civil de Strasbourg revient sur la situation de l'épidémie du Covid-19, sur la chloroquine et sur l'essai clinique qui est en cours aux Hôpitaux universitaires de Strasbourg. 

Selon les derniers chiffres de l'ARS, 912 personnes atteintes du Covid 19 sont actuellement hospitalisées dans le Bas-Rhin, dont 249 en réanimation. 244 personnes sont décédées dans le Bas-Rhin depuis le début de l’épidémie : 153 en milieu hospitalier et 91 personnes en EHPAD.

Top Music : Où en est-on dans l'épidémie de Covid-19 ? A-t-on atteint le pic ?

Yves Hansmann : Malheureusement on n'est pas encore au bout du problème, les patients continuent à affluer au CHU de Strasbourg avec certains qui nécessitent des soins de réanimation et de ventilation. C'est difficile de prévoir ce pic, si on se réfère à ce qui s'est passé en Italie ou en Chine, le pic devrait intervenir dans les jours à venir, mais je ne peux pas vous dire plus précisément quand.

 
Le confinement va-t-il bientôt donner des résultats ?
C'est ce qu'on espère. Mais pour l'instant, ce n'est pas encore un constat, je suis désolé d'être très prudent. C'est un réel espoir, le confinement est en place depuis le 18 mars, on est bientôt dans le délai dans lequel on a constaté une amélioration en Chine et à Wuhan. Mais il faut avoir des constats avant de se réjouir. 
 
Tous les patients sont-ils soignés au CHU de Strasbourg ?
Oui bien sûr tout le monde est soigné. On a transformé l'hôpital, d'autres services ont libéré des lits pour prendre en charge les patients du Covid-19 , on administre de l'oxygène à tous les patients qui ont en besoin. Le plus difficile, ce sont les patients qui ont des signes de gravité qui nécessitent des soins de réanimation, le nombre de lits disponibles n'est pas extensible, avec le personnel et le matériel spécifiques, c'est pourquoi certains sont transférés dans d'autres centres hospitaliers où la tension est moins forte. Ces malades sont transférés dans des conditions raisonnables qui ne les mettent pas en danger.
 
Il n'y a donc pas de tri des patients comme un article de la presse allemande l'avait évoqué il y a quelques jours ?
Le tri est un mot un peu brut. Les patients sont tous pris en charge. Mais pour certains patients, un transfert en réanimation ne serait pas bénéfique pour eux en raison de leur âge ou d'autres facteurs de risque. C'est une réflexion que nous menons comme d'habitude, pour une prise en charge la plus adaptée aux patients. Ce n'est pas un tri, c'est une vision globale, comme on fait d'habitude

Avez-vous assez de personnel soignant et assez de respirateurs ?
Sur les respirateurs, nous avons relancé des commandes. C'est vrai, si des patients sont transférés dans d'autres centres hospitaliers, c'est par manque de moyens. (...) Nous continuons également à former du personnel pour donner un coup de main en réanimation, il y a un partage des tâches, nous réorganisons nos services. 

Quels sont les premiers résultats de l'essai clinique mené sur le Covid-19 à l'hôpital de Strasbourg ?
Tant que l'essai n'est pas fini, on ne peut pas donner de résultat même si ça va très vite. Il y a une mobilisation extrêment importante. (...)
Cet essai compare plusieurs traitements : des patients ont une prise en charge standard avec de l'oxygène et les soins habituels, d'autres patients reçoivent des traitements qui ont une activité anti-virale, dont l'hydroxychloroquine, mais pas seulement, il y a deux autres traitements. Il y a aussi des patients pour lesquels on teste le traitement des réactions inflammatoires induites par le virus.  
 
Avez-vous confiance en la chloroquine ? 
Tant qu'on a pas de résultats, il faut être très prudent. (...) Il y a aussi des données publiées par des collègues chinois, des études discordantes. Dans certaines études, l'hydroxychloroquine ne semble pas apporter beaucoup de bénéfices, dans d'autres études, elle apporte un peu de bénéfice. Il n'y a pas d'évidence. Les patients qui prennent de  l'hydroxychloroquine ne vont pas guérir du jour au lendemain, ça ne veut pas dire que ça ne marche pas, ce n'est probablement pas un traitement miracle, mais il y a aussi des données rassurantes en terme d'activité sur le virus, il pourrait y avoir un effet bénéfique. (...) C'est très difficile de se positionner avant d'avoir le résultat de cet essai
 
Est-on plus résistant au coronovirus en fonction de son groupe sanguin ? Avez-vous des élements sur cette récente étude ?  
C'est surtout une tendance, il n'y a pas d'éléments très forts. Il faut en savoir un peu plus pour définir les choses, on essaye d'identifier différents paramètres. (...). Il faut une analyse plus grande sur les facteurs aggravants. Parmi les facteurs aggravants qu'on analyse aujourd'hui, c'est surtout le fait d'avoir du diabète, d'être en surcharge pondérale
 
Fumer, est-ce aussi un facteur aggravant ?
Le patient fumeur va être plus fragile au niveau des bronches et des poumons. Il va être forcément fragilisé au niveau des fonctions respiratoires. 

Y-a-t il aussi un lien entre le vaccin du BCG et la résistance au Covid-19, comme le suggère une récente étude publiée ces derniers jours dans la presse (des chercheurs travaillent sur le BCG pour atténuer les effets du Covid-19) ?                                                                                   

Je n'ai pas connaissance de liens très forts entre le BCG et le Covid-19. Ça ne me paraît pas très fondé. Mais comme toute nouvelle maladie, il y a de nouvelles hypothèses, ces hypothèses doivent être encore vérifiées

Retrouvez l'interview en intégralité du Professeur Yves Hansmann