Affaire Le Tan : la famille parle pour la première fois

Publié : 29 juin 2022 à 16h24 par Sebastien Ruffet

La famille Le Tan et son avocat Gérard Welzer

Crédit : @Top Music - SR

Dans le procès très médiatique de Jean-Marc Reiser, accusé du meurtre de Sophie Le Tan, en 2018 à Schiltigheim, la famille de la victime s'est pour la première fois exprimée, avec beaucoup d'émotion et de courage.

C'était un moment très attendu de ce procès débuté lundi 27 juin. La famille Le Tan a été appelée à témoigner à la barre de la cour d'Assises. Il n'y avait aucune obligation pour les membres de cette famille détruite où chacun "reste reclus, fermé", depuis maintenant quatre ans, selon Laurent, le cousin du papa. "Quand vous entrez dans leur maison, l'atmosphère de vide et de douleur reste perceptible.


Cette douleur va rejaillir avec le passage à la barre de tous les proches de Sophie Le Tan, disparue le 7 septembre 2018, après la visite d'un appartement, et le traquenard tendu par Jean-Marc Reiser. Elle qui vivait alors dans une chambre étudiante avait vu sa demande de logement refusée par le CROUS. Sophie écumait alors les petites annonces pour trouver un appartement à faible loyer pour continuer à aider ses parents.


"C'est elle qui nous faisait avancer"


C'est d'abord la petite soeur, Sylvie, qui s'est présentée. La fluette jeune femme semble écrasé par l'événement, mais raconte combien sa soeur "apportait beaucoup de bien à son entourage." Reprenant ses esprits, Sylvie s'en prend alors vertement à l'accusé : "ça m'a fait mal au coeur d'entendre la version de l'accusé ! Il se cherche des excuses pour quelque chose d'inexcusable, de pas justifiable ! [...] Il n'y a plus de joie à la maison, plus de moyens d'être heureux.


C'est ensuite le frère, Philippe, qui s'est avancé. Stressé, tendu, accablé. Lui qui n'a pas levé la tête de toute la matinée, a pris son courage à deux mains, courage salué par son avocat Gérard Welzer. "C'était quelqu'un de très important pour toute la famille", a commencé Philippe, avec une faible voix cachée derrière un masque chirurgical. "C'est elle qui nous faisait avancer. Depuis, on n'arrive pas à gérer.


"Même les bêtes s'aiment entre elles !"


L'émotion, déjà intense, a redoublé lorsque la maman, Thi Huong a pris la parole, en Vietnamien, accompagnée d'une interprète. D'abord presque effacée ("Je veux que la justice fasse son travail"), elle a ensuite fait monter les larmes à l'assistance : "Même les bêtes s'aiment entre elles ! Alors comment une personne peut faire quelque chose comme ça ?! Je voudrais que ma fille revienne, mais c'est impossible. L'avenir n'est plus possible ! Sophie a toujours tout fait pour nous aider. Elle voulait qu'on puisse retourner voir la famille au pays... C'était la personne principale de la famille. Aujourd'hui, je m'inquiète aussi pour la petite soeur, qui est au bord de la dépression." En retournant à sa place, Thi Huong a chancelé, rattrapée par l'interprète, puis aidée par l'huissier à retrouver son siège.


Les différents témoignages soulignaient la douleur, et comment chacun avait intériorisé, notamment le père, Tan Tri. Avec une grande force et une grande dignité, il s'est avancé et ses premiers mots ont été pour Jean-Marc Reiser : "Nous n'avons toujours pas reçu de demande de pardon." Des regrets exprimés par l'accusé aideraient - peut-être - la famille à se reconstruire. Tan Tri a ensuite utilisé des métaphores, chères à la culture vietnamienne : "Aujourd'hui, nous sommes comme un phoenix qui a perdu une aile. Il doit voler, mais blessé pour toujours." Cette "horreur inimaginable", il la subit toujours, accusant Reiser d'être "un malin, un rusé, qui veut faire croire à tout le monde qu'il est innocent. Cette douleur, cette absence, c'est un petit feu qui vous brûle et qui ne s'arrête jamais.


La famille attend que Reiser finisse ses jours en prison


Plus véhémente, Nadine, la cousine, très proche de Sophie : "Ce qui est révoltant c'est que c'est un récidiviste ! Il n'aurait pas dû être en liberté ! Et il a fallu attendre 48h pour qu'on lance les recherches, alors qu'on savait très bien que quelque chose n'était pas normal. C'était le jour de son anniversaire, et on avait aucune nouvelle de la toute la journée !? Et pendant ces 48h, l'accusé a pu peaufiner son plan ! L'issue de ce procès ne ramènera pas Sophie et ne comblera pas le manque, mais on ne veut pas que d'autres familles soient touchées comme nous l'avons été." En d'autres termes, c'est la perpétuité, sans aucun aménagement, que réclament Nadine et sa famille.