Quand la crise Covid entraîne dans la pauvreté

Publié : 18 novembre 2021 à 3h00 - Modifié : 18 novembre 2021 à 7h44 par Sebastien Ruffet

Pouvoir se nourrir sainement à petit prix, c'est ce qu'offre le réseau Caritas Alsace

Crédit : @Caritas

Caritas Alsace a présenté les chiffres de la pauvreté en Alsace pour l’année 2020. Un peu tronqués par la crise Covid, ils laissent néanmoins apparaître des tendances de fond.

Olivier Coupry, le directeur de Caritas Alsace a essayé de ne pas noyer l’auditoire sous les chiffres. C’est pourtant un passage obligé, alors en voici quelques-uns qu’il aura livrés ce mercredi 17 novembre :


- Plus de 8 200 "situations" (soit plus de 20 000 personnes au sein de ces familles) ont été gérées l’an passé


- Une personne sur deux est en situation d’impayés (loyer, énergie…), tandis que 40% des bénéficiaires sont sous le seuil d’extrême pauvreté (estimé à 40% du salaire médian, soit 40% de 1 837€, soit 734€ par mois)


- 300 enfants accompagnés pour l’école


- 27% des gens qui se présentent n’ont absolument aucune ressource financière (28% touchent uniquement le RSA)


- 29% vivent dans un logement précaire


- 28% sont des mamans seules


- 61% sont des familles, ce qui représente 10 000 enfants


Les étudiants en difficulté


Si les tendances évoluent peu d’une année sur l’autre, sur dix ans, on voit tout de même apparaître des phénomènes de longue durée. Les plus de 50 ans représentent par exemple 31% des gens pauvres en Alsace, alors qu’ils n’étaient que 20% en 2010. « On constate également que le diplôme n’est plus du tout un rempart contre la précarité », remarque Olivier Coupry. « Aujourd’hui 73% des gens en difficulté sont diplômés, alors qu’ils étaient 51% il y a dix ans. » On peut y voir là une conséquence de court terme, celle de la crise Covid. « Il y a beaucoup d’étudiants qui ont perdu leur petit boulot, ainsi que des auto-entrepreneurs. C’est très dur pour eux, psychologiquement et financièrement. » Si les aides publiques ont permis d’amortir un peu le choc, l’aide alimentaire n’a jamais été aussi importante : 642 tonnes distribuées (+30 t. par rapport à 2019), 11 605 colis (+4 000) et 23 000 passages dans les épiceries solidaires du réseau (+2 000). A noter qu’il n’y a que des personnes envoyées par les services sociaux qui peuvent prétendre à effectuer leurs achats à 10% de leur valeur chez Caritas.

Témoignages


Véronique, 40 ans : "Je suis victime d'un Covid long depuis 13 mois. C'est impossible pour moi de reprendre le travail, alors qu'on a un crédit de la maison qui a débuté il y a trois ans, on a deux ados... On n'a pas eu le choix que de faire appel aux services sociaux, alors que tout allait bien. J'ai eu mon salaire pendant six mois, et comme le Covid long n'est pas reconnu en maladie, je n'ai ensuite eu que 50% de mon salaire. Aujourd'hui, je n'ai que les indemnités journalières. Tant qu'on n'est pas dans ce combat, on ne se rend pas compte. Mon premier rendez-vous chez Caritas, c'était le jour de mes 40 ans. Ils ont insisté pour que je vienne, ils m'ont fait un petit cadeau. Aujourd'hui, c'est un rendez-vous hebdomadaire que j'attends, pour les courses, bien sûr, mais aussi pour le lien social, parce que quand vous ne travaillez plus, vous ne voyez plus personne." 


Max, 67 ans : "Je suis le seul des trois frères a avoir fait des études. J'ai travaillé toute ma vie dans la restauration, à Londres, Hong Kong, Singapour, Manille, Shanghai... Avant de passer 12 ans en Thaïlande. Pas de 35H, un seul jour de congé par semaine... En 2014, je rentre en France, mon père devait quitter la maison familiale. Il décède en 2015, et je ne connaissais rien à la législation, je ne savais même pas qu'il fallait une Carte Vitale, ça n'existait pas quand je suis parti. J'ai fait une demande de retraite, mais comme il n'y a pas d'accords avec les pays asiatiques, je n'ai eu droit à rien. Tout juste 180€ de mes années en Angleterre, et 11€10 de mes petits boulots en France. Après 45 ans à l'étranger, c'est un choc. Aujourd'hui, je suis en attente du minimum vieillesse. En France, les gens ne s'intéressent pas aux autres. Chez Caritas, ils sont toujours de bonne humeur, et on te fait sentir que tu es quelqu'un."